À Mamoudzou, la rentrée scolaire 2025 s’annonce sous haute tension. Le passage du cyclone CHDIO, suivi quelques jours plus tard par DIKELEDI, a bouleversé le paysage éducatif de la commune. Écoles endommagées, classes inutilisables, établissements transformés en centres d’hébergement d’urgence : le choc a été majeur.
Face à cette situation, la Ville a engagé un plan d’urgence sans précédent, mobilisant ses équipes, des architectes et des entreprises locales pour remettre sur pied les infrastructures scolaires. Mais malgré ces efforts colossaux, le maire Ambdilwahedou Soumaïla alerte : 5 groupes scolaires risquent de rester fermés en septembre faute de financements de l’État.
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Les dégâts causés par le cyclone CHIDO
Le constat dressé au lendemain de CHIDO est sans appel. Les toitures arrachées, les salles de classe inondées et les clôtures détruites témoignaient de la violence de l’événement. Selon le rapport municipal, 44 % des établissements scolaires de Mamoudzou ont été classés comme très endommagés, 43 % comme moyennement touchés, et seulement 13 % étaient en état d’accueillir les élèves.
Au plus fort de la crise, 22 écoles ont dû être réquisitionnées pour servir de centres d’hébergement d’urgence. Des centaines de familles y ont trouvé refuge, accentuant encore l’usure des bâtiments. Les services municipaux et le CCAS, épaulés par le Conseil départemental et la CADEMA, se sont mobilisés dès les premières heures pour distribuer de l’eau, des vivres et sécuriser les lieux. Ce rôle de bouclier social a retardé le retour des écoles à leur vocation première : l’éducation.
Le plan de bataille de la Ville
Consciente que la scolarisation des enfants ne pouvait attendre, la Ville a déclenché un dispositif d’urgence baptisé « plan de bataille », selon les mots du maire Ambdilwahedou Soumaïla. Dès décembre 2024, les équipes techniques ont lancé des diagnostics approfondis.
- 38 rapports sur l’état des structures ont été réalisés par Veritas, pour un montant de 38 125 €.
- 18 diagnostics complémentaires ont été confiés à des architectes de Mayotte, pour un coût total de 176 000 €.
- 14 rapports d’expertise supplémentaires, avec l’élaboration des DCE (dossiers de consultation des entreprises), ont été établis par Kujenga et M2CI pour 31 500 €.
La Ville n’a pas hésité à recourir aux technologies les plus modernes : 37 relevés par drone avant travaux et 22 après (37 150 €) ont permis d’obtenir une vision fine des dégâts, de cartographier les toitures et de générer des modèles numériques 3D. Ces outils ont amélioré le suivi des chantiers et renforcé la transparence vis-à-vis des habitants.
Le plan ne reposait pas seulement sur la Ville. Les services déconcentrés de l’État – préfecture, DEALM, rectorat, sécurité civile, SDIS, EDM – se sont joints à l’effort. Tous ont travaillé en coordination pour appuyer la municipalité et assurer la continuité éducative.
Surtout, un cadre juridique exceptionnel a été activé : la loi d’urgence pour la reconstruction de Mayotte. Ce texte a permis de simplifier les autorisations d’urbanisme et de recourir à des marchés publics sans publicité ni mise en concurrence, conformément à l’article R2122-1 du Code de la commande publique. Grâce à ces dérogations, les premiers chantiers ont pu démarrer immédiatement, évitant plusieurs mois de procédures.

Des travaux massifs et progressifs
Le redressement des infrastructures scolaires a nécessité des moyens financiers et humains exceptionnels. Dans une première phase, la priorité a été donnée à la sécurisation immédiate : bâchage des toitures, réparations électriques, mise aux normes sanitaires, installation d’extincteurs et sécurisation des cours de récréation. Ces interventions, évaluées à 2,22 millions d’euros, ont mobilisé 70 entreprises locales, soit une moyenne de 31 700 € par lot et par entreprise.
La seconde phase a consisté en une sécurisation définitive : réfection des charpentes, remplacement des menuiseries, reconstruction des clôtures. Ce volet, évalué à 9,28 millions d’euros, a fait intervenir 77 entreprises, soit près de 82 000 € par lot en moyenne.
Au total, ce sont 12,06 millions d’euros de travaux qui ont été engagés, répartis entre 147 entreprises locales. Ce choix de morceler les marchés visait à faire travailler un maximum d’acteurs économiques de l’île, fragilisés eux aussi par la crise cyclonique. Pour la Ville, il s’agissait à la fois d’assurer la sécurité des élèves et de soutenir le tissu entrepreneurial mahorais.
Réouverture progressive des classes
Les résultats concrets de ces efforts se sont traduits par une réouverture partielle mais réelle des établissements.
- Phase 1, janvier 2025 : 27 écoles ont pu rouvrir, représentant 420 salles de classe et accueillant 10 114 élèves.
- Phase 2, mars 2025 : 58 salles supplémentaires ont été livrées, permettant à 2 630 enfants de retrouver leur scolarité. Parmi les établissements concernés figuraient l’école primaire Foundi Adé, l’école élémentaire Vahibe 2, l’école maternelle Mkadara Hedja et l’école élémentaire Hassani Abdallah.
- Phase 3, prévue en mai 2025 : une nouvelle vague de 60 salles devait accueillir 3 399 élèves, notamment à l’école élémentaire Magnele Houmadi, aux écoles maternelles Abdallah Sélémani et Jardin Fleuri, ainsi qu’à l’école élémentaire Abdourahamane Soilihi. Mais en raison des difficultés d’approvisionnement et des retards de paiement, la livraison a été repoussée, avec un risque de report à août 2025.
Cette progression par étapes illustre à la fois la résilience de la Ville et la fragilité du calendrier. Chaque retard compromet la continuité éducative, obligeant parfois à recourir à des solutions temporaires comme la triple rotation des classes ou les « écoles de campagne ».
L’obstacle majeur : le financement
Si les diagnostics et les travaux ont avancé, la question du financement reste le talon d’Achille du dispositif. Dès le 7 janvier 2025, la Ville de Mamoudzou avait déposé ses premiers dossiers de demande de subvention via la plateforme démarches simplifiées. L’État avait fixé un délai de 15 jours pour soumettre les demandes. Ces dernières ont été actualisées mi-mars pour tenir compte des offres réelles des entreprises et permettre le versement d’avances de 30 %.
Mais la réponse s’est fait attendre : ce n’est qu’en juillet que des demandes complémentaires ont été transmises par les services de l’État, retardant d’autant l’instruction. Au total, près de cinq mois ont été perdus, alors même que le calendrier scolaire avançait.
Entre-temps, l’estimation budgétaire a évolué : la Ville tablait initialement sur 10,5 millions d’euros, mais les DCE ont montré un coût réel plus proche de 12 millions d’euros. L’écart entre l’estimation municipale et celle issue des marchés atteint -29 %, révélant l’ampleur de la charge financière.
Les conséquences se font sentir : fournisseurs qui refusent désormais d’accorder du crédit, entreprises locales incapables d’acheter des matériaux, salariés inquiets de ne plus être payés. Certaines entreprises ont même cessé les travaux temporairement, faute de trésorerie.
Dans ce contexte, le maire Ambdilwahedou Soumaïla a alerté publiquement mi-juillet : cinq groupes scolaires risquent de ne pas rouvrir à la rentrée de septembre 2025. Une menace qui pèserait sur des milliers d’élèves, dix mois après le passage du cyclone.

Document à consulter BILAN TRAVAUX POST-CHIDO DANS LES ÉCOLES DE LA VILLE DE MAMOUDZOU
Dix mois après le passage de CHIDO, la ville de Mamoudzou a déjà rouvert des centaines de classes grâce à un effort technique et humain exceptionnel. Pourtant, l’avenir immédiat reste suspendu aux financements de l’État : sans soutien rapide, 5 groupes scolaires pourraient rester fermés en septembre, compromettant la continuité éducative de milliers d’élèves mahorais.









